SUR LES ROUTES DE L’ART A GAND PAR JOHN BRUNTON

INTRODUCTION
La première impression que l’on ressent en arrivant à Gand, est qu’elle projette tout ce que l’on peut attendre d’une ville d’art flamand médiévale classique, à l’architecture remarquablement préservée.

Une promenade romantique au bord de la Lys, où de somptueuses Guildes, Maisons des Corporations et demeures privées de marchands bordent les quais Graslei et Korenlei, vous ramène à l’époque du Moyen-Âge, quand la ville était l’une des plus riches et des plus cultivées d’Europe. L’ancienne ligne d’horizon de Gand est marquée par deux bâtiments phares qui se font face : le beffroi de la ville, classé au patrimoine mondial de l’Unesco, et l’imposante tour de la cathédrale Saint-Bavon, de style gothique flamboyant, qui abrite des trésors comprenant des chefs-d’oeuvre à couper le souffle, peints par les frères Van Eyck il y a près de six siècles. Mais Gand est avant tout une ville d’art surprenante, avec aussi des côtes excentriques et provocants à decrouvir. Pour la visiter, prenez votre temps pour arpenter tranquillement cette destination assez méconnue. Vous y trouverez des musées d’art moderne et de design d’avant-garde, des galeries privées d’art contemporain et des oeuvres de Street Art éblouissantes. Sortez du centre historique pour découvrir des lieux branchés ouverts dans les anciens docks industriels reconvertis en quartiers artistiques alternatifs. De ville classique, elle est toujours à la pointe de nouvelles tendances en matière de gastronomie, d’écologie et d’initiatives éthiques. Soyez prêts à vous laisser surprendre par la diversité gantoise !

À voir absolument
L’adoration de l’agneau mystique

Art in Flanders ©Dominique Provost


Lorsque l’on évoque la réputation de Gand comme l’une des villes d’art les plus renommées d’Europe, un chef-d’œuvre de la peinture vient immédiatement à l’esprit : L’Adoration de l’agneau mystique. Réalisée en 1432 par les frères Hubert et Jan van Eyck.

L’Adoration est l’une des œuvres d’art majeures du monde. Elle s’étend sur 18 panneaux de chêne, formant un retable monumental au cœur de l’imposante cathédrale gothique Saint-Bavon, bâtie entre le 15ème et 16ème siècle. S’émerveiller devant ces scènes bibliques évocatrices a toujours été émotionnel pour tous. Aujourd’hui pourtant, une alternative de réalité virtuelle est proposée aux amateurs de culture pour faire l’expérience d’un voyage multimédia futuriste d’une heure. Cette aventure peu commune commence dans la crypte, où les visiteurs mettent des casques spéciaux qui les font remonter dans le temps à l’aide d’hologrammes et d’avatars. A la fin, la visite virtuelle s’achève dans le présent, quand les visiteurs enlèvent leurs casques et peuvent se recueillir silencieusement devant cette œuvre d’art unique et fascinante. Au fil des siècles, l’Adoration a été volée sept fois, transportée à Paris, confisquée par les nazis sur ordre du général Goering pendant la Seconde Guerre mondiale. Mais aujourd’hui, réservez bien à l’avance pour être sûr de pouvoir admirer l’une des peintures les plus convoitées du monde lors de votre séjour à Gand.

SMAK


A Gand, le monde de l’art ne se limite pas à la peinture des vieux maîtres, des primitifs flamands ou des précieuses oeuvres religieuses des églises. La ville possède un musée du design d’avant-garde, actuellement fermé pour cause de rénovation, des galeries privées de nouvelle création alternative et le S.M.A.K., le usée municipal d’art contemporain, situé dans les anciens locaux du casino gantois. Le musée est un peu décentré mais facile à atteindre en bus ou en tram pour découvrir un lieu différent qui propose un programme audacieux et rebelle pour présenter des expositions temporaires régulièrement renouvelées et provocantes.

©Visit Reeks

Le SMAK possède également l’une des plus importantes collections d’art contemporain de Belgique, avec des oeuvres exceptionnelles d’artistes appartenant à des mouvements tels que Cobra et Arte Povera. Une nouvelle annexe pour agrandir l’espace d’exposition devrait être construite prochainement. Le SMAK a d’abord été une aile contemporaine du Musée Royal des Beaux-Arts, le plus ancien de Belgique, situé à proximité, où les amateurs d’art doivent se rendre pour admirer des oeuvres datant d’il y a 6 siècles jusquà notre période contemporaine. Une occasion unique de voir des chefs-d’œuvre, de Bosch, Breughel et Rubens à Magritte et Ensor, Delvaux et Rik Wouters.

Joyaux cachés
Huis van Alijn


La plupart des grandes maisons médiévales de marchands qui s’échelonnent le long du Kraanlei, célèbre quai pittoresque a fait place à des restaurants, des bars et des boutiques à la mode, mais en franchissant la porte en bois très discrète de la Huis van Alijn -la maison d’Alijn- vous repartez pour un voyage dans l’histoire de la ville florissante pendant plusieurs siècles.

Juste au-dessus de l’arche d’entrée se trouve une sculpture religieuse de 1363 qui précise qu’il s’agissait à l’origine d’un hospice où l’on soignait les malades et les personnes âgées de la ville.

©VisitReeks

Aujourd’hui, les bâtiments blanchis à la chaux donnant sur une cour ensoleillée ont été transformés en une reconstitution parfaite, nostalgique et kitsch de la vie au XXe siècle, irrésistible pour les enfants et divertissante pour les adultes. Et comme c’est de rigueur à Gand, le musée comprend un véritable estaminet authentique où vous pourrez déguster des bières locales et des spécialités culinaires comme la célèbre moutarde locale Tierenteyn, pour accompagner fromages et de saucisses fumées.

L’Allée des Graffitis
Il n’est pas non plus étonnant de découvrir un autre côté artistique que Gand propose fièrement : être une ville favorable à l’art du graffiti mural, où les artistes de rue sont les bienvenus et même encouragés pour laisser libre cours à leur créativité dans des zones sélectionnées du paysage urbain.

Alors qu’il existe plus de 500 graffitis disséminés dans toute la ville, cette “galerie” en plein air, zone franche officielle et alternative, se situe juste au cœur du centre historique. Elle couvre les murs de la Werregarenstraat, une rue piétonnière étroite connue de tous comme l’Allée des Graffitis. Ce projet concret est dédié aux artistes de rue depuis 1995, les peintures murales sont sans cesse réinventées par des tagueurs essentiellement Gantois spécialisés dans la technique de la peinture à l’aérosol.

Episodiquement, les murs sont repeints en blanc, donnant à une nouvelle génération de graffeurs une surface vierge pour de nouveaux designs. Ceci-dit, les artistes n’ont pas d’horaire fixe, et du jour au lendemain, de nouvelles peintures peuvent apparaître car c’est une galerie en perpétuel mouvement. Les visiteurs peuvent suivre des visites officielles d’art de rue organisées par l’organisation Sorry Not Sorry, mais c’est bien plus divertissant de se ballader au hasard dans les rues et faire ses propres découvertes de tags comme “La Cour des Lions” dans la rue Prisenhof ou “Un calamar nommé Sébastien” dans la rue Sleepstraat.

019
Le nouveau quartier branché de Gand est dans une zone très différente du centre ville historique, un mélange funky de bâtiments industriels et contemporains des anciens docks. De vastes usines et entrepôts industriels ont été convertis en microbrasseries, théâtres, centre commercial, ainsi qu’en logements sociaux modernes et avant-gardistes, en écoles et en centres communautaires. Les anciennes structures ont été repensées et réhabilitées en un agréable espace de loisirs, de sport et de détente, le verdoyant Parc du Capitaine Zeppo.

©Paul Barsch

Une des vieilles grues entourant le port et le canal deviendra une tour d’observation pour contempler ce paysage insolite. Et juste au bord de l’eau, un bâtiment discret en briques rouges, autrefois une ancienne usine de soudure, abrite le projet innovant 019, un centre expérimental pour une coopérative d’artistes locaux qui allie architecture, graphisme et art visuel.

©Lynn Delbeecke

Il y a aussi un restaurant éphémère expériental, Eat This, dirigé par l’artiste Stephanie Van der Velds, qui décrit l’espace et sa cuisine comme une installation continue de son travail.

Les gourmets locaux
Ginderella
Le gin est d’une certaine façon associé à la Flandre, où la modeste baie de genièvre a été distillée pour la première fois il y a environ 8 siècles en un alcool caractéristique du monde des spiritueux.

Mais la mode actuelle des distillateurs artisanaux créatifs est beaucoup plus récente et le Ginderella, au nom emblématique, n’a été lancé qu’il y a dix ans par deux frères excentriques, Jan et Geert Heynemann. Ecologistes passionnés, ils ont créé des recettes de gin qui n’ont rien à voir avec les autres gins connus sur le marché. Ils se sont donné la mission de transformer la nature urbaine sauvage de Gand en un jardin pour créer des gins uniques à base de plantes. Pour ce faire, ils parcourent les rues de la ville et la campagne environnante à la recherche d’ herbes envahissantes mais comestibles telles que la Renouée du Japon, l’Herbe-à-Robert, le Petit Cresson et la Berce du Caucase, puis les distillent à l’aide d’une recette secrète composée de genièvre, de plantes médicinales, d’épices et d’herbes aromatiques.

©Schermafbeelding

Geert est également conseiller écologiste de la ville de Gand, et les amateurs de gin intéresssés peuvent se joindre à lui pour une expédition de recherche de plantes uniques dans les sous-bois denses et les jardins potagers de la réserve naturelle de Bourgoyen, située à proximité. A la fin de l‘aventure botanique, place à une dégustation bienvenue de leur fameux Ginderella et de leurs surprenants vermouths artisanaux.

Het Hinkelspel

Les gastronomes gantois prennent le développement durable au sérieux, avec de nombreux supermarchés bio, une journée “Thursday Veggie Day” est consacrée à la promotion de l’alimentation végétarienne, et un conseil municipal de l’alimentation innovant qui défend des idées novatrices telles que la réutilisation et la redistribution des restes de repas dans les restaurants. Mais les véritables pionniers se trouvent au bord d’un canal endormi, dans une ancienne usine textile.

C’est là que la laiterie gantoise Het Hinkelspel a commencé à fabriquer sa délicieuse sélection de fromages de vache et de chèvre au lait cru en 1984, une coopérative biologique toujours approvisionnée par les deux mêmes producteurs laitiers. Aujourd’hui, les locaux sont connus sous le nom de Marché de Lousberg. Les maîtres-fromagers ont été rejoints par des agriculteurs locaux qui viennent vendre leurs fruits et légumes à kilomètre zéro, un boulanger et un boucher artisanaux. Une cantine conviviale sert aussi chaque jour des plats, des soupes et des gâteaux faits maison à partir de produits du marché.

Ne manquez pas de goûter le délicieux fromage Van Eyck, créé en l’honneur de l’artiste et le mariage parfait d’un gouda au lait de chèvre vieilli et un verre de la bière Lousberg Blonde Tripel, brassée de manière artisanale.

Espace vert
Theresia

©Alabaster Plume

Un imposant mur de briques rouges longe la rue Theresia, cachée dans un quartier résidentiel endormi, et peu de touristes sont assez curieux pour franchir une ancienne porte en bois discrète pour découvrir ce qui se cache derrière. Cette porte anodine s’ouvre sur un autre lieu unique qui confirme la réputation de Gand en tant que pionnière de la culture décalée. Le vaste terrain situé derrière le mur abrite l’ancien couvent de Theresia, fondé il y a 363 ans pour un ordre de religieuses qui ont fait voeu de silence. Abandonné depuis 2007 pendant 15 ans, jusqu’à ce qu’il ait récemment retrouvé une nouvelle vie en tant que lieu communautaire alternatif pour les arts visuels et du spectacle, les projections de cinéma, les ateliers communautaires et, bien sûr, un espace bar-restauration informel et convivial.

©Alabaster Plume

Les terrains couverts de végétation sauvage sont ouverts de juin à septembre comme jardin à bière et lieu de concerts décontractés, avec des chaises longues à disposition et une minuscule chapelle déconsacrée servant de bar, tandis qu’à l’intérieur du couvent se tiennent des expositions d’art. Les cuisines sont utilisées soit pour des pop-ups gastronomiques, soit pour la cuisine collective du quartier.

Marchés
Marché aux puces de Saint-Jacques

C’est une ville où des marchés différents ont lieu chaque jour de la semaine. Le marché chaotique du vendredi s’étend sur la grande place Vrijdagsplatz -square du vendredi- , où des marchands braillards vendent des saucisses, des fromages, des poissons de la mer du Nord et des fruits de mer tandis que d’autres marchés spécialisés dans les livres, les oiseaux, les fleurs, l’art et l’artisanat ont tous leur emplacement et journées différents. Mais il ne faut surtout pas rater les irrésistibles bonnes affaires du marché aux puces de Sint-Jacob, où tous les vendredis, samedis et dimanches matins, un amas incroyable de bric-à-brac s’étale sur les trottoirs pavés de l’ancienne place devant l’église Saint-Jacques. Cette grande église médiévale est l’une des étapes officielles pour les pèlerins qui se rendent à Saint-Jacques-de-Compostelle. Le marché bariolé propose d’un côté des antiquités de luxe, objets en cristal ancien, porcelaines rares et dentelles vintage, en passant par les enseignes rétro et les ours en peluche de collection.

De l’autre côté, la place est également bordée de friperies, de galeries d’art et de cafés bruns typiques comme Afsnis, parfaits pour déguster un bol de soupe maison ou un verre de bière trappiste de Chimay. C’est dans ce quartier bohème qu’ont débuté les Fêtes de Gand, durant l’été hippie de 1969. Depuis lors, un grand festival populaire de musique de tous genres se tient sur 10 jours en juillet dans toute la vieille ville rendue piétonne pour cet incroyable évènement.

En dehors de la ville

©MDD

Le Musée Dhondt-Dhaenens
Les anciennes rues médiévales de Gand se substituent rapidement aux paysages bucoliques de la campagne flamande environnante,en commençant une balade à vélo pittoresque d’une heure. En suivant la vallée sinueuse de la Lys la route arrive devant l’impressionnant bâtiment minimaliste en verre et en béton blanc qui abrite le Musée Dhondt-Dhaenens.

©MDD

Cette fondation privée est installée dans un édifice emblématique de l’architecture moderniste belge, construite il y a 55 ans initialement pour abriter la collection privée d’art flamand du XXe siècle du couple des fondateurs, comprenant entre autres, des oeuvres de James Ensor et des frères Gustave et Léon de Smet.

©MDD

OU BOIRE ET MANGERAujourd’hui, après les récentes rénovations du musée et de nouvelles extensions, le jardin verdoyant accueille des expositions temporaires d’art de pointe complétées par la collection personnelle permanente de sculptures d’avant-garde et un centre actif pour les artistes en résidence.

OU BOIRE ET MANGER
Le Bal Infernal
Un autre concept excentrique typiquement gantois, ce café-librairie relax vendant des livres d’occasion est une institution culturelle donnant sur la grande place Vrijdagstag depuis plus de 30 ans.

Autrefois un bar extravagant fréquenté par les fêtards de fin de soirée, les intérieurs confortables ressemblent maintenant à une caverne d’Ali Baba d’étagères bordées de livres, où les clients décontractés circulent à leur guise entre les tables, commandent une bière d’abbaye belge avec des grignottes, une soupe de légumes frais, un cocktail maison ou un grand cappuccino et des biscuits faits maison. Si vous apportez un livre que vous avez déjà lu, vous pourrez même l’échanger contre un autre de votre choix.

Dok Brewing Company

©VisitReeks

Dimitri Messaens aime inventer de nouvelles bières artisanales, et chacune des 150 bières est une création unique destinée à une seule cuvée et ne sera plus jamais refaite. Ainsi, lorsque vous voyez des étiquettes aux noms et designs loufoques comme Whats Hop Dok, Just Married, My Own Private Idaho ou Respect Your Elders, commandez rapidement avant que la cuve soit vide ! Les habitués peuvent être assurés que leur deux bières signature Dok, “13”, une Pilsner primée et “Gentse Pale Ale”, leur version de l’IPA, seront toujours sur la liste des boissons. Installée dans un vaste entrepôt industriel des anciens docks de Gand, cette microbrasserie funky sert également de délicieux barbecues irrésistibles.

Publiek

Le chef Olly Ceulenaere est le symbole parfait de la scène culinaire caractéristique de Gand. Ce chef sympathique est passé du mouvement audacieux et rock & roll “des Flemish Foodies” à la reconnaissance satisfaisante d’une étoile Michelin, sans sacrifier à aucun de ses principes : durabilité, produits de saison et locaux à km zéro, déchets minimaux, informalité et surtout, originalité

Le menu de son restaurant Publiek change à chaque repas, dans une atmosphère confortable et décontractée, où les plats vont de l’anguille fumée du chou croquant garni d et de panais ou de harengs marinés recouverts de petits radis, de fèves et d’algues fumées.

HOTEL ARTISTIQUE
Comic Art Hotel
2023 est l’année de la BD à Gand. Dédié à ce que les fans de BD aiment appeler le Neuvième Art, un nouveau musée vient d’ouvrir ses portes, offrant aux visiteurs la chance de découvrir les secrets de leurs personnages préférés comme Astérix et Obélix ou les Schtroumpfs espiègles

Dans le même bâtiment, anciennement une immense école adjacente au Couvent médiéval des Augustins, les fans peuvent déjà réserver leur séjour au nouveau Comic Art Hotel dont les chambres sont toutes décorées de fresques audacieuses, peintes sur le thème de la BD, illustrant Corto Maltese d’Hugo Pratt ou même Lucky Luke.

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